La République Arabe Islamique
L'Union tuniso-libyenne, qui devait prendre le nom officiel de République arabe islamique (RAI) (الجمهورية العربية الإسلامية), est un projet politique avorté qui faillit mener en 1973-1974 à l'unification de la Tunisie et de la Libye. Approuvé par les dirigeants libyen Mouammar Kadhafi et tunisien Habib Bourguiba, il n'a toutefois jamais été mené à son terme.Ce projet s'inscrit dans un contexte troublé pour les deux pays. La Tunisie est affaiblie par la crise économique induite par la politique socialiste menée par l'ancien ministre de l'Économie Ahmed Ben Salah. En Libye, le 1er septembre 1969, Kadhafi renverse le roi Idris Ier et son charisme permet à beaucoup de retrouver en lui le nouveau héros arabe, celui qui effacerait les humiliations vis-à-vis d'Israël — après les défaites successives dans les guerres israélo-arabes dont la toute récente guerre du Kippour —, qui relèverait le défi de l'Occident et rendrait sa fierté au monde arabe.
La tentative de fusion entre la Tunisie et la Libye doit être replacée dans son contexte historique car la République arabe islamique s'inscrit spécifiquement dans le cadre de la politique maghrébine du début des années 1970.En effet, l'idéal de l'unité maghrébine figure alors dans les constitutions tunisienne, marocaine et algérienne mais les intérêts divergents du Maroc et de l'Algérie, les deux principales puissances régionales, se trouvent en contradiction avec celui-ci. Selon un universitaire tunisien, « s'il n'y avait que l'Algérie et pas le Maroc, ou le Maroc et pas l'Algérie, il ne pourrait pas y avoir de Maghreb. La puissance principale nous aurait tous englouti. Pour qu'un Maghreb existe, vous avez besoin de ces deux puissances rivales en compétition l'une avec l'autre au sein de la région. En conséquence, les tentatives d'unification au Maghreb n'ont le plus souvent été qu'un moyen par lequel contrebalancer l'une ou l'autre de ces puissances régionales.
De plus, il faut considérer l'impact du panarabisme — « une nation arabe qui œuvre pour son unité de l'Atlantique au golfe Persique » selon les propres termes de Kadhafi — défendu par Kadhafi après la mort de Gamal Abdel Nasser le 28 septembre1970. Dès décembre 1969, moins de trois mois après sa prise du pouvoir, Kadhafi déclarait déjà que « c'est vers l'Orient arabe que me portent ma raison et mon cœur. En voulant créer une union maghrébine séparée, l'Algérie, la Tunisie et le Maroc risquent de retarder l'unité arabe et de rester longtemps tributaires de l'Europe ». En conséquence, il quitte le 10 mars 1970 le Comité permanent de coordination maghrébine, créé en novembre 1964 à Tanger et destiné initialement à harmoniser les politiques économiques des quatre pays maghrébins, et travaille à unir son pays avec divers États comme l'Égypte, la Syrie, le Tchad, le Soudan et la Tunisie. Le 17 avril 1971, il annonce le projet d'une Union des Républiques arabes regroupant la Syrie, l'Égypte et la Libye. De son côté, le président tunisien Bourguiba avait développé dès le 3 janvier 1957 le thème du « Grand Maghreb arabe » et de l'unification de l'Afrique du Nord.